Denis MUZERELLE De la
datation des manuscrits Witnesses
to their Times: Catalogues of Dated Manuscripts (Nouvelle version.)
OUS les chercheurs qui ont affaire aux manuscrits sont amenés
à aborder la question de leur datation. Mais dans la majorité
des cas, il s'agit d'une opération préalable que l'on effectue
au moment où l'on plante le décor; et dès que le
problème est réglé, on l'oublie pour passer à
ce qui constitue le véritable sujet de la recherche - que celui-ci
soit philologique, historique, artistique ou autre. A force d'être
pratiquée comme une activité auxiliaire, cette opération
finit par apparaître comme mineure et marginale, alors qu'elle est
en réalité capitale. Pour simplifier les choses et rester dans les limites du temps dont je dispose, je n'envisagerai ici que la question de la date dans le temps, et que le point de vue du paléographe. Mais il doit être clair que mes considérations s'appliquent aussi, mutatis mutandis, à la localisation des manuscrits dans l'espace, et à l'analyse de leur décoration. Pourquoi faut-il dater les
manuscrits ? C'est évidemment une question naïve et même
un peu oiseuse; mais pour procéder avec méthode, c'est par
là qu'il faut commencer. La réponse à
cette question est tout aussi élémentaire: les manuscrits
sont des objets historiques, et comme tels ils ne peuvent être correctement
interprétés que s'ils ont été convenablement
replacés dans leur contexte chronologique et géographique.
Mais il est également possible de retourner cette relation, et
de considérer que chaque manuscrit est un objet archéologique
qui véhicule des informations sur le milieu dont il est issu -
un milieu qu'il convient de définir, entre autres paramètres,
par sa position dans l'espace et dans le temps. Les différences entre
les deux aspects de cette relation - que l'on peut désigner respectivement
comme 'relation passive' et 'relation active' - est essentielle, mais
subtile. Il semble qu'elle échappe à une majorité
des chercheurs : à tous ceux, notamment, pour qui l'histoire du
livre et de l'écriture ne constitue pas le centre d'intérêt
primordial. Ceux-là ont tendance à n'envisager que le premier aspect de la relation, et à ne le faire que de manière très restrictive. Je veux dire qu'ils se contentent le plus souvent de dater les manuscrits auxquels ils ont affaire dans la stricte mesure où cette datation a une incidence directe sur la recherche en cours, et sans tenter d'aller au-delà du degré de précision qui est immédiatement utile dans ce cadre. On voit qu'il s'agit d'une vue à court terme, et d'un égoïsme extrême. Car on perd du même coup la possibilité d'exploiter à d'autres fins, ou même simplement dans un autre contexte, le potentiel d'informations de tous ordres véhiculées par le manuscrit en question. Je voudrais illustrer les conséquences de cette coupable négligence par un exemple quasi caricatural. Il s'agit du fameux ms. 444 de la Bibliothèque municipale de Laon. C'est un manuscrit d'une extrême importance pour l'histoire de la culture carolingienne : il s'agit en effet d'un énorme glossaire latin-grec, qui est un témoin majeur de l'étude du grec à cette époque. Une partie de ce manuscrit a été publiée en 1887 dans les 'Monumenta Germaniae Historica'. L'édition est précédée, comme d'habitude, par une introduction à la fois très brève et très érudite. Dans une première note, nous apprenons que ce manuscrit est en partie de la main de Martin d'Irlande, dont les annales signalent la mort en 875. A la page suivante, une autre note précise qu'il contient un éloge funèbre de l'impératrice Ermentrude, femme de Charles le Chauve, morte en 869. Autrement dit, depuis plus d'un siècle chacun pouvait déduire en rapprochant ces deux notes que le manuscrit avait nécessairement été copié entre 869 et 875, soit dans une fourchette de six ans (ce qui est une précision assez remarquable pour cette époque). Eh bien, aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est un rapprochement qui n'a jamais été fait, bien que le manuscrit ait fait l'objet d'innombrables mentions et de nombreux articles particuliers. Tous les auteurs le mentionnent simplement comme un manuscrit "du IXe siècle", et dans le meilleur des cas, "de la 2e moitié". Et les conséquence de cette coupable négligence ont parfois été assez regrettables, car on a formulé au sujet de ce manuscrit un certain nombre d'hypothèses dont certaines sont tout simplement invraisemblables si l'on tient compte de sa datation exacte. Dans le cadre des restrictions
que j'ai dites, nous sommes en outre victimes de préjugés
et d'habitudes qui maintiennent la précision des datations à
son degré le plus bas, au moins dans l'usage général. Le premier de ces biais me
paraît hérité des philologues classiques, qui ont
été les premiers à s'intéresser aux manuscrits.
Les principes de la critique textuelle et de la stemmatologie font en
effet que la date absolue des témoins n'a qu'une importance secondaire.
L'essentiel réside dans leur datation relative et se contente d'une
évaluation très grossière : il suffit d'éviter
de faire dériver un témoin d'un antigraphe plus récent
que lui. Du moins directement; car un bon nombre d'incohérences
chronologiques peuvent se résoudre en invoquant des témoins
perdus. Le célèbre adage philologique "recentiores, non deteriores" témoigne à lui seul de toute l'indifférence, et même de la méfiance des éditeurs de textes envers la chronologie des témoins. Il signifie en substance que le nombre d'intermédiaires entre deux témoins - et par conséquent les probabilités d'altération du texte - sont largement indépendantes de l'espace de temps qui sépare ces deux témoins. C'est une vérité paradoxale que l'on peut vérifier dans un certain nombre de cas. Mais je ne suis pas certain que tous les philologues aient conscience qu'elle ne peut s'appliquer aveuglément que dans le cas de textes antiques ou patristiques dont on ignore les voies de diffusion. J'ai récemment été effaré de voir un très jeune collègue appliquer scrupuleusement cette loi à une série de manuscrits du bas Moyen Age, pratiquement contemporains de l'auteur, et dont on connaissait bien les conditions dans lesquelles ils avaient été copiés. Nous sommes par ailleurs victimes
d'un "système métrique" (si je puis dire) que
nous impose une longue tradition, et contre lequel il semble impossible
de lutter. Nous avons heureusement renoncé aux effroyables usages
des érudits de l'époque classique, qui dataient les manuscrits
de façon relative. Ils décrivaient par exemple tel manuscrit
comme "vieux de huit cents ans" - ce qui nous oblige aujourd'hui
à faire de savants calculs pour savoir à quelle époque
ils l'attribuaient. Mais l'usage moderne de dater
les manuscrits au siècle près n'est pas bien meilleur, car
il ne correspond à aucune échelle ancrée dans la
réalité. Il faut un miracle pour que les évolutions
majeures et les événements importants pour l'histoire de
la culture coïncident avec les changements de siècle: un miracle
qui ne se produit jamais. Les historiens des débuts de l'imprimerie,
qui n'envisagent qu'une courte période, n'ont pas fini de protester
contre le stupide usage qui fixe la limite de l'incunable en 1500. Nous
aurions mille raisons de protester comme eux contre des découpages
tout aussi arbitraires et dépourvus d'efficacité. La subdivision de ces datations
en demi-siècles n'arrange pas les choses. Elle tend même
à les empirer en laissant croire à beaucoup qu'une datation
"sérieuse" doit nécessairement s'exprimer en demi-siècles.
Or, si le début et la fin du siècle se laissent encore facilement
assimiler à l'une ou l'autre moitié, que faire du milieu
? Pour citer encore une fois mon expérience, j'ai plusieurs fois
vu des chercheurs à qui j'affirmais que tel manuscrit était
du milieu de tel siècle, insister avec angoisse et obstination:
"Oui, mais plutôt première ou deuxième moitié?".
Il faudrait qu'enfin
chacun se persuade que, s'il hésite à attribuer un manuscrit
à la première ou à la seconde moitié du siècle,
ce n'est pas parce qu'il est incompétent. C'est beaucoup plus probablement
parce que le manuscrit appartient à cette période qui n'a
pas d'existence officielle ni de limites précises, et qui correspond
au milieu du siècle. Toute la cause de ce dysfonctionnement
de notre système chronologique réside, me semble-t-il, dans
ce que la précision d'une datation paléographique ne peut
que rarement descendre au-dessous d'une trentaine d'années dans
le cas général, et de la moitié de cette valeur (c'est-à-dire
quinze ans) dans le cas d'un domaine dont on est particulièrement
familier. Ces intervalles de confiance sont arithmétiquement incompatibles
avec une division en demi ou quarts de siècles. La seule recommandation qu'on puisse finalement donner d'un point de vue rigoureusement scientifique, c'est de s'efforcer dans tous les cas d'atteindre le plus haut degré de précision possible, et de l'exprimer selon une échelle qui reflète le degré de fiabilité que l'on croit avoir atteint. Tel manuscrit, qui présente des traits caractéristiques et bien accusés, pourra être daté de la deuxième décennie du siècle ; tel autre, dont le cas est beaucoup moins clair, du premier ou deuxième tiers. Une telle pratique est évidemment contradictoire avec les exigences de normalisation imposées par les catalogues, et plus encore par les bases de données informatisées. Ces normes voudraient que tout manuscrit soit non seulement datable dans une fraction binaire du siècle, mais encore avec le même degré de fiabilité. Ces deux exigences sont manifestement impossibles à satisfaire; le cas restera donc éternellement insoluble. Venons-en à une seconde
question, tout aussi ingénue que la première : comment peut-on
dater les manuscrits? Sur ce sujet encore, je crains
que la pratique quotidienne n'ait entraîné un certain nombre
d'illusions et d'habitudes perverses. En constatant que, dans la majorité
des cas, on est obligé de se fonder sur le témoignage de
l'écriture, beaucoup en ont déduit que c'était là
la façon normale de dater un manuscrit, et même la meilleure. Or je le dis ici avec toute
l'autorité que me confèrent trente-cinq ans de pratique:
de tous les moyens de datation, l'écriture est le plus mauvais,
le moins précis, le moins fiable. Il ne faut y recourir qu'à
la toute dernière extrémité. J'exclurais toutefois
de cette préférence les caractères codicologiques.
A l'époque où cette discipline a commencé à
émerger (c'est-à-dire au milieu des années cinquante
du XXe siècle), on espérait beaucoup trouver dans ce domaine
des critères permettant d'affiner les datations paléographiques.
Avec les développement de la recherche, il a fallu déchanter :
le "maillage chronologique" qui en ressort s'avère plus
lâche, les mutations se produisant à un rythme encore plus
lent et plus flou, les innovations se diffusant de manière
extrêmement capricieuse. La datation d'après le style du décor, qui repose sur une approche assez voisine de celle du paléographe, reste encore préférable. Elle se fonde en effet sur des phénomènes de mode qui engendrent des cycles relativement courts, et dont il est possible de découvrir le point d'origine et le mode de diffusion. De tels phénomènes sont pratiquement inconnus dans la sphère de l'écriture à quelques exceptions près, comme dans le cas de l'apparition et de la diffusion de l'écriture humanistique. Dans la plupart des autres domaines, nous en sommes encore à chercher - et pour longtemps encore, sans doute - ce qui peut déclencher une mutation de l'écriture et permettre à un nouveau style de s'imposer. En conséquence, toute datation obtenue par un autre moyen devra toujours être préférée à celle que fournit l'écriture. Cela admis, s'il est nécessaire
de recourir à cette ultime ressource (et ce sera souvent le cas),
quelle est la démarche à suivre ? Quels sont les critères
à prendre en compte ? Là encore, l'expérience
m'a convaincu que les chercheurs peu familiers avec ce domaine se faisaient
beaucoup de fausses idées sur le métier de paléographe.
Certains semblent s'imaginer que nous disposons de pouvoirs surnaturels,
que nous sommes des sortes de chamanes en liaison directe avec le dieu
Thot, et qu'il nous suffit de l'invoquer pour pouvoir prononcer notre
jugement comme un oracle. J'en ai même vu qui s'impatientaient si
la réponse attendue ne tombait pas au bout des trente secondes
réglementaires, comme dans les jeux télévisés.
D'autres nous voient plutôt comme de sombres alchimistes, cachant
jalousement dans nos officines toutes sortes de recettes secrètes
et de fioles mystérieuses qui nous permettraient d'obtenir au fond
de nos éprouvettes des réactions révélatrices.
S'il s'agissait d'un concours de rhétorique, je pourrais encore
aligner quelques autres comparaisons aussi fantaisistes; mais revenons
plutôt aux comparaisons sérieuses. Pour ma part, je préfère
comparer la démarche du paléographe qui cherche à
dater une écriture à celle du joueur d'échecs. La
complexité des différentes façons dont les caractéristiques
de l'écriture peuvent se combiner présente de nombreuses
analogies avec le nombre infini des positions que les pièces peuvent
prendre sur l'échiquier. Chacun sait qu'il est impossible de déterminer
le coup gagnant en ne considérant qu'une ou deux pièces
: c'est l'ensemble de la situation qu'il faut envisager. Et c'est précisément
ce que fait le joueur. Mais il le fait de manière globale et intuitive,
en se remémorant inconsciemment l'ensemble des parties qu'il
a jouées et dans lesquelles il a rencontré des situations
analogues. Seuls de puissants ordinateurs sont capables d'analyser la
situation en examinant méthodiquement la position de chacune des
pièces et les conséquences qui en découlent. Et ils
ne gagnent pas toujours contre les joueurs humains. Bien entendu, après
la partie, le joueur ne manquera pas d'expliquer qu'il a gagné
"parce que" sa Dame était au centre et "parce que"
son Fou était sur une case noire. Mais ce sont là des justifications
a posteriori, autrement dit les principales conclusions d'une analyse
dans laquelle une infinité d'autres facteurs ont été
pris en compte. C'est exactement ce qui se produit lorsqu'un paléographe
affirme que telle écriture est de la fin du XIIIe siècle
"parce que" (je mets tous ces "parce que" entre guillemets)
la boucle du A était plus ou moins fermée. En réalité,
la forme du A n'a fait que confirmer un jugement global, et n'est pas
en elle-même un élément déterminant. Un important colloque du C.I.P.L.
s'est tenu au Vatican, en 1995, pour traiter des critères paléographiques
de datation des écritures. Quarante communications y ont été
présentées par les meilleurs spécialistes. Non seulement
ils sont loin d'avoir épuisé la question, mais ils ont dû
reconnaître qu'ils n'avaient pu la faire progresser de manière
significative. Les conclusions ont été dressées par
le Pr Gumbert, qui n'est pas particulièrement réputé
pour son pessimisme. Elles disent à peu près ceci : quel
que soit le type d'écriture considéré, il est impossible
de d'établir un critère unique, ni même une combinaison
raisonnable de critères, qui permette de la dater sans risque d'erreur.
Les différents caractères qui paraissent discriminants de
prime abord doivent toujours être accompagnés de tellement
de conditions (avant telle date, si..., et si..., et si...) et de restrictions
(vers telle date, sauf si..., sauf si..., sauf si...), qu'ils deviennent
inopérants, et même dangereux, entre les mains de chercheurs
inexpérimentés. Alors, comment aider le chercheur
qui tente d'acquérir la compétence nécessaire pour
pouvoir, lui aussi, manipuler sans danger cet arsenal redoutable ? Certainement
pas en lui faisant cadeau de recettes prêtes à l'emploi,
et en lui laissant croire à la possibilité d'emprunter des
raccourcis ; mais en lui tendant une main secourable tout au long d'un
interminable, mais nécessaire, Chemin de Croix. Et je reviens là
à mon joueur d'échecs : il a souvent été dit
que pour devenir un bon joueur, il fallait avoir perdu beaucoup de parties.
De même, pour être en mesure de dater une écriture
avec un certain degré de fiabilité, il faut s'y être
souvent essayé et s'être souvent trompé. Mais, pour savoir que l'on s'est trompé, il faut que l'écriture puisse être datée par d'autres moyens. La boucle est bouclée... Il existe heureusement un moyen
d'échapper à ce cercle vicieux. Je veux parler de cet incomparable
instrument paléographique que sont les Catalogues de manuscrits
datés. Il n'est sans doute pas inutile d'en dire quelques mots,
car de nombreux signes laissent penser qu'elle reste largement méconnue
en dehors du petit cercle des paléographes professionnels, et que
ses potentialités sont loin d'être exploitées comme
elles le pourraient. Pour rester bref, je rappellerai
simplement que le but est de constituer une documentation paléographique
aussi large que possible, exclusivement constituée de spécimens
précisément situés dans l'espace et dans le temps.
L'opération repose sur l'exploration systématique de tous
les fonds de biliothèque, et recense tous les manuscrits qui sont
datés par une mention explicite (un colophon), ou que l'on peut
dater par la critique. (L'intervention de mon collègue Legendre
illustrera largement ce point.) Chacun des manuscrits répondant
aux critères est décrit dans une notice, et illustré
par un spécimen significatif de l'écriture reproduit en
grandeur naturelle. Lancé par Charles Samaran
au début des années 1960, le programme a bénéficié
d'une collaboration sans réserve du monde paléographique
et s'est développé dans la plupart des pays d'Europe. Chacun
de ceux-ci a mis en chantier une collection couvrant ses propres fonds.
Si ces collections nationales se distinguent par quelques particularités
mineures, l'ensemble conserve une profonde unité. On a maintes fois souligné
tous les bénéfices que la paléographie, et plus généralement
l'histoire des manuscrits avaient retirés de cet immense travail.
Les enquêtes auxquelles il a donné lieu, spécialement
dans les plus petites bibliothèques, ont souvent mis en lumière
des richesses insoupçonnées. Le matériau rassemblé
a permis d'entreprendre l'analyse statistique de phénomènes
tels que la production de livres au cours du Moyen Age, et bien d'autres
questions codicologiques. Et tout récemment, c'est sur la base
de cette documentation qu'a enfin pu être élaborée,
par le Pr Derolez, la première classification exhaustive des écritures
de l'époque "gothique". Mais il ne me semble pas qu'on ait beaucoup insisté sur l'utilité de ces collections pour l'apprentissage de la paléographie. Il suffit pourtant de se plonger dans cette gigantesque documentation pour se familiariser en peu de temps avec les types d'écritures les plus divers, sans jamais perdre de vue le cadre chronologique ou géographique (et même institutionnel) dans lequel elles s'inscrivent. C'est tout autre chose que ces austères traités théoriques dans lesquels l'étudiant se perd immanquablement malgré tous les efforts de clarification. On peut cependant faire deux
reproches à cette documentation. Le premier est qu'elle reflète
trop exactement la distribution "naturelle" des manuscrits datés.
Avec les progrès de l'entreprise il est devenu de plus en plus
évident que les manuscrits datés au sens strict, c'est-à-dire
munis d'un colophon, sont une particularité de la fin du Moyen
Age. Il en résulte que les catalogues sont littéralement
surpeuplés de manuscrits du XVe siècle, tandis que ceux
des hautes époques n'arrivent que difficilement à y trouver
leur place. Il est vain de chercher à
s'en consoler en considérant que les écritures du bas Moyen
Age sont infiniment plus variées. Il y a là un véritable
problème méthodologique qui, dans les quinze dernières
années, a amené l'entreprise au bord de la crise. Dans certains
cas (comme en France), on tente désormais de réagir à
cette situation, et l'on cherche à compenser le déséquilibre
en consacrant davantage d'efforts à dater, par la critique, les
manuscrits des époques insuffisamment représentées.
Mais c'est évidemment un choix qui n'accélère pas
la progression du travail. Le second défaut est beaucoup plus anecdotique, et strictement lié à l'usage pédagogique que j'ai suggéré à l'instant : les planches sont classées dans l'ordre chronologique, et la date est très lisiblement inscrite sous chacune. On ne peut donc pas transformer directement ces albums en cahiers d'entraînement, qui simuleraient toutes les surprises et toutes les incertitudes que soulève l'exploration d'un fonds de bibliothèque. Mais peut-on véritablement reprocher aux initiateurs de ces collections de n'avoir pas imaginé tous les usages détournés que l'on pourrait faire de leur publication ?
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